silence foret

C’est triste à dire, mais nous avons de plus en plus de mal à « écouter » vraiment, avec attention.

Les oreilles accaparées en permanence par des bruits agressifs, qui se superposent les uns aux autres. Voitures, téléphone, musique. Tout cela frôle la saturation, comme une sorte « d’overdose » qui crée un état de stress et de distraction permanent. [1]

Faites comme ce compositeur fantasque : écoutez le « silence »

Un compositeur américain génial, John Cage, en était arrivé à la même conclusion : à force de remplir nos tympans de sons agressifs, on perd nos facultés d’ancrage et de concentration.

Alors il a tout simplement composé un morceau… de silence.

4 minutes 33 de silence : un orchestre ENTIER réuni pour ne rien jouer du tout. Les mains sur l’instrument, tous les musiciens sur scène et… pas la moindre note.

Vous imaginez la surprise du public. (si ca vous intrigue, vous pouvez voir la performance ici)

Absurde, pensez-vous ?

Et bien c’était un moyen pour le compositeur, à chaque représentation, de réapprendre à son public à écouter.

Pendant ces quatre minutes de silence, chaque mouvement, chaque petit grattement de gorge, chaque craquement du parquet redevenait d’un coup digne d’attention.

Il voulait que chacun entende à nouveau les tout petits bruits du quotidien.

Vos 4 minutes d’écoute

Je ne vais donc pas vous dévoiler aujourd’hui la technique révolutionnaire qui vous permettra enfin de trouver le pur silence, à mon avis (à celui de Cage aussi) : il n’existe pas.

Je vais même vous inciter au contraire.

Je crois que cette période marquée par les longues après-midis à la maison est le moment idéal pour apprendre à écouter

À entendre les bruits infimes qu’il y a autour :  quand nous n’avons pas nos écouteurs dans les oreilles, que les transports sont loin, et que les paroles se font plus rares.

Je vous propose de faire comme John Cage, mais chez vous.

De créer les conditions de vos quatre minutes de « silence » quotidiennes.

Comme un nettoyage de vos tympans, une réinitialisation de vos capacités d’écoute et d’attention.

Faites l’expérience :

Un matin, à l’aube, essayez de fermer les yeux, d’éteindre la radio. Votre téléphone aussi.

Fermez les yeux, et tendez l’oreille.

Restez simplement assis, isolez-vous dans la pièce la plus calme que vous trouverez, et mettez en pause tous les appareils.

Si vous avez un jardin, c’est encore mieux, posez votre chaise en plein milieu.

Concentrez-vous sur ce que vous entendez. La rue est calme, votre maison aussi ; personne n’est encore debout. Pas de sonnerie, pas de bouilloire, ni de bruits de pas dans la cuisine.

Ce que vous entendrez, ce n’est pas le silence.

C’est d’abord votre respiration, et peut-être ensuite quelques bruits légers à l’extérieur (voitures et rumeurs lointaines si vous êtes en ville, bruits plus diffus, oiseaux, vent, froissements si vous êtes à la campagne.)

Ce n’est pas le silence, mais une sorte de calme, où vous percevez chaque petit bruit distinctement.

Entraînez-vous à les isoler :

– en haut, à droite, un léger bruissement des feuillages ;
– plus loin, dans la rue, l’écho d’une voiture qui passe ;
– juste là, votre propre souffle, de plus en plus régulier…
– Une petite mouche qui se cogne contre la vitre, à quelques mètres…

Le but est de percevoir chaque bruit individuellement.

Vous devriez sentir assez rapidement une sorte de calme s’emparer de vous. Un état d’alerte et de paix. Petit à petit, au fil des jours, vous devriez entendre de plus en plus nettement des bruits de plus en plus infimes.

Bruits de forêt dans l’écouteur

C’est vrai que le froissement des feuilles est plus relaxant que le ronron du trafic. Quand on ferme les yeux et qu’on entend les cimes bouger avec le vent, on se sent bien.

Mais on n’a pas toujours une forêt à disposition ! 

J’ai trouvé une petite solution : les enregistrements de nature.

Il y en a des centaines en libre accès sur internet. Quand je suis trop loin de la nature pour pouvoir m’y promener, c’est comme ça que je m’y « transporte ». Sur moi, ces sons ont un effet presque instantané, ils me calment.

Mes préférés, ce sont ceux-là (vous pouvez cliquer dessus) :

Si vous saviez le nombre d’enregistrements qu’il y a ! On trouve des captations de presque tout. Même des bruits de bibliothèque, de salon, de pages de livres qu’on froisse…

Tous ces sons qui se rapprochent du silence, et qui font du bien.

Une « douche cérébrale »

On sait intuitivement que le calme « nous fait du bien », que l’écoute tranquille « apaise ».

Mais depuis quelques années, la recherche scientifique le prouve.

Un neurologue français, Michel Van Le Quyen, a écrit un livre entier sur la question : Cerveau et silence. Il est formel :

–   Notre cerveau a besoin de calme pour se régénérer. Il se sert de ces temps d’inactivité pour éliminer les toxines qu’il engendre. Les moments de repos fonctionnent comme des « douches cérébrales » : le cerveau se débarrasse ainsi de ses déchets. Faire le vide, sonore, attentionnel, émotionnel reste donc un des moyens simples de rendre votre cerveau plus résistant aux maladies neurodégénératives.

–    A l’inverse : l’accumulation de « bruits de fonds » empêche le cerveau de baisser la garde, et provoque la sécrétion de cortisol et des catécholamines (hormones du stress), qui favorisent les infarctus du myocarde et les AVC. [2]

–    Plus que ça : lorsqu’on active ce « mode repos »,  il dynamise le système immunitaire, agit sur nos facultés de mémorisation et sur la régulation de l’humeur. [3]

En clair :  il est temps d’arrêter de considérer les moments de pause, de silence, et d’arrêt comme du temps perdu.

Même 4 minutes par jour peuvent suffire à changer la donne ! Vous verrez, le son du silence est très agréable à écouter.

A très vite,

Mathilde Combes

Sources :

[1] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4087081/
[2] https://www.revmed.ch/RMS/2011/RMS-291/Pollution-sonore-gare-a-l-AVC
[3] https://www.lefigaro.fr/sciences/cerveau-et-silence-les-liaisons-heureuses-de-la-deconnexion-20190509