gentiane montagne

Il y a une semaine, pendant une petite randonnée en montagne, j’entends juste derrière moi un homme crier à sa compagne : « Oh regarde ! De la gentiane ! Elle est énorme ! »

Ce qu’il montrait du doigt, c’était ça :

Verâtre

Difficile de rater cette énorme tige, et ses larges feuilles lignées.

Le problème… C’est que ce n’était pas de la gentiane 🙂 Mais une plante hyper toxique qui lui ressemble beaucoup.

Confusion n°1 parmi les promeneurs

La plante énorme que mon père de famille pointait joyeusement du doigt, c’est le jumeau toxique de la gentiane : le Vérâtre blanc (Veratrum album L.).

Beaucoup de randonneurs sont tombés dans le panneau avant lui… Et c’est normal :

  • Il pousse exactement sur les mêmes sols, humides et exposés aux nord, entre 800 et 2500m d’altitude.
  • Il fait la même taille, entre 60 et 100cm de hauteur.
  • Ses feuilles ont la même forme…

Si on ne connaît pas le « petit truc » pour les différencier en un coup d’œil, elles se ressemblent comme deux gouttes d’eau.

Regardez par vous-mêmes :

Verâtre et Gentiane
Gentiane jaune (Gentiane Lutea)                     Vérâtre blanc (Veratrum album)

À gauche, la gentiane qu’on ramasse précieusement depuis des siècles pour traiter les foies engorgés, les estomacs fatigués…  C’est à partir de sa racine qu’on fabrique les meilleurs digestifs :  la Suze, la Salers, l’Aperol…

À droite, la vérâtre, dont une bouchée suffit à vous donner nausées, vomissements et maux de tête atroces, à peine 30 minutes après ingestion.

Ça vaut le coup d’apprendre à les différencier 🙂

Pour les distinguer au premier coup d’œil, regardez leurs feuilles

Pas besoin de regarder de très près avec une loupe de botaniste pour reconnaître la gentiane : observez l’implantation des feuilles ! 

Chez la gentiane, les feuilles sont placées l’une en face de l’autre sur la tige (on appelle ça opposées) :

feuilles opposées gentiane

Alors que chez le vérâtre, elles sont alternées sur la tige, « en décalé » :

feuilles alternes vérâtre

La règle est infaillible, impossible de vous tromper en sachant ça !

En été, en plus, les fleurs se mettent à éclore et elles n’ont rien à voir :

Verâtre et Gentiane

Maintenant que vous savez vraiment repérer la gentiane…

Une fois que vous êtes sûr de bien la reconnaître, vous pouvez la ramasser ! (dans les zones où elle n’est pas protégée, et en quantité raisonnable 🙂)

C’est seulement sa racine qu’on utilise en distillerie et en phytothérapie. Elle a une liste de propriétés longue comme le bras :

  • tonique et fortifiante, on en donnait aux enfants et aux personnes âgées dans les villages de montagne
  • amère et digestive : elle ouvre l’appétit, et aide à la digestion pour les systèmes digestifs les plus fragiles, et empêche la formation de gaz
  • protectrice du foie antiparasitaire, et stimulante de l’immunité
  • etc.

Le meilleur moment pour la cueillir reste l’automne, après la chute des feuilles. En général, on attend 3 à 5 ans avant de cueillir un pied de gentiane, jusqu’à ce qu’elle fasse à peu près la largeur d’un poignet.

Je préfère vous prévenir tout de suite : pas évident de sortir ces grosses racines de terre, tant elles sont charnues et s’enfoncent profondément dans le sol. Certains en ont carrément fait leur métier, dans les alpages.

Moi je m’en cueille une par an, et c’est amplement suffisant, vu sa taille :

racines gentiane

Vous aurez probablement beaucoup de mal à les déterrer si vous n’utilisez pas une fourche ou une bêche…

Pour les faire sécher, ne les lavez pas

Traditionnellement, une fois récoltées, on se contente juste d’enlever la terre résiduelle avec une brosse, sans les laver.

Vous pouvez les découper de petits tronçons de 5 cm avant de les laisser sécher à l’air libre ou au four à 50°C pendant minimum 3 heures. Voilà ce que ça donne une fois séché :

racines gentiane

Gardez-les ensuite en bocal, pour vous faire des tisanes digestives, un apéritif tonique, ou une teinture mère…

C’est très amer, n’en mettez pas trop dans une tasse, mais j’aime beaucoup.

Vous me direz ce que vous en pensez,

À très vite,

Mathilde Combes