genévrier

Dans un conte de Grimm qu’on me lisait quand j’étais petite, le genévrier était un arbre magique.

Il permettait à l’héroïne, stérile, de tomber enceinte, puis de donner naissance à la petite Marlène. [1]

On raconte que sa fumée chassait les démons et les maladies.

Les villageois en brûlaient même des arbres entiers sur les places, pour arrêter la propagation de la peste et du choléra.

Je n’ai pas de recette de sorcière à vous proposer aujourd’hui…

…mais 4 petits mélanges qu’on fait depuis longtemps dans ma famille !

–    Un pour mieux digérer
–    Un pour « nettoyer » l’organisme après l’hiver,
–    Un pour parfumer la maison,
–    Un pour aromatiser les apéritifs.

Vous allez voir, cette baie est un bijou quand on sait comment l’utiliser !

« Poivre du pauvre »

Dans les campagnes, on appelle les baies de genévrier « le poivre du pauvre ».

C’est vrai qu’elles ressemblent beaucoup à du poivre quand elles sont sèches.

Leur goût est prononcé, mais plus citronné.  C’est un mélange de résine et de piquant, au parfum plus « vert » que celui du poivre.

Vous en trouverez forcément autour de chez vous, dans les landes, les clairières, les friches et les bordures de bois. Cet arbuste a une petite préférence pour les sols pauvres, et plutôt calcaires. Je mets une photo ci-dessous pour vous aider.

genévrier

 

Repérez votre genévrier à l’odeur

En fait, reconnaître un genévrier c’est très simple.

Certains sont devenus des arbres élancés : ils se dressent majestueusement vers le ciel. Ils peuvent atteindre jusqu’à 10 mètres de haut.

Mais vous le trouverez plus probablement sous sa forme commune dite « naine » (comme sur ma photo) : de petits buissons touffus et épineux.

Son écorce est rougeâtre, et au printemps, ses fleurs sont jaunes et vertes.

Attention, si le genévrier commun et le genévrier oxycèdre, de loin les plus répandus, donnent des baies sucrées et délicieuses…

…il existe aussi une espèce montagnarde (le genévrier sabine ou Juniperus sabina) qui donne des baies toxiques ! Heureusement cette espèce est rare en France – quelques pieds dans les Alpes et les Pyrénées. Son feuillage dégage une odeur caractéristique désagréable quand on le froisse, c’est pourquoi on le surnomme «  genévrier fétide ».

Les aiguilles des genévriers communs diffusent eux une odeur douce-amère agréable, résineuse et légèrement camphrée.

Il faut les récolter uniquement en hiver, quand elles sont d’une couleur bien foncée, d’un bleu profond.

Je le cueille… à la fourchette

Méfiez-vous, ses aiguilles sont dures, pointues et piquent fort.

1.    Éviter les épines

Pour cueillir sans vous faire mal, vous pouvez mettre des gants ou… faites comme moi, munissez-vous d’une fourchette !

Saisissez la branche d’une main puis décrochez délicatement les baies avec votre fourchette de l’autre.

D’octobre à novembre, vous pouvez simplement tendre un linge sous l’arbuste et le secouer avec un bâton. Les baies tombent naturellement.

2.    Des vertes et des trop mûres

Les baies sont vertes quand elles sont jeunes. Puis vont du bleuâtre au brun-violet à maturité.

Plus elles sont foncées, plus elles auront du goût.

Ne cueillez donc que celles qui sont « bleues », sombres.

Cependant ne les prenez pas trop fripées et rabougries, elles vous apporteraient des notes de terre humide peu ragoûtantes pour vos tisanes… ou votre gin (j’y reviens dans quelques lignes).

baies de genévrier

Écartez donc toutes celles qui ne sont pas bien lisses et rebondies !

3.    Petit supplément de cueillette 

J’oubliais : avant de rentrer à la maison vous pouvez glisser un brin de genévrier au fond de votre poche. La légende pyrénéenne dit que cela vous protégerait, au choix, des accidents ou des attaques d’animaux sauvages … [2]

4.    Pour les sécher facilement

Chez vous, faites sécher les baies et les aiguilles pendant 1 semaine en les étalant sur du papier essuie-tout, sur une table simplement. Puis conservez-les dans un bocal, le goût restera intact pendant à peu près un an !

Ma cure de tisanes ou de baies séchées

Pour stimuler la détoxification des reins et du système urinaire (ça marche à merveille contre les cystites par exemple !), pour relancer la digestion et exciter l’appétit, vous pouvez suivre les yeux fermés une cure à base d’infusions de baies de genévrier.

Voici ma recette :

•    Mettez 5 à 10  baies séchées, écrasées au mortier ou au couteau ;
•    Versez 250 ml d’eau bouillante ;
•    Laissez infuser cinq minutes à couvert ;
•    C’est prêt ! Buvez deux ou trois tasses d’infusion par jour, à chaque repas pendant 6 semaines ;

Si vous vous sentez fatigué, en manque d’énergie, je vous recommande chaudement de suivre, cette fois, une cure à base de baies séchées !

Le mieux, pour détoxifier en douceur, c’est d’y aller progressivement :

•    Le premier jour, mâchez 5 baies séchées au fil de la journée. Vous verrez elles ont un délicieux goût âcre et sucré.

•    Puis augmentez la dose d’une baie chaque jour jusqu’à atteindre 15 baies par jour  : 5 le matin, 5 le midi et 5 le soir.

•    Réduisez ensuite votre consommation au même rythme et arrêtez-vous lorsque vous arrivez à nouveau à 5 baies.

Un bon bain chaud au rameau de genévrier

Je tiens la recette des bains de rameaux de ma grand-mère et j’en fais surtout l’hiver, quand il fait trop froid dehors pour sortir.

Placez un rameau de genévrier pendant une heure dans 5 litres d’eau chaude et faites-vous couler un bon bain chaud.

Ajoutez l’eau infusée de genévrier à l’eau de votre bain : c’est prêt.

Que ce soit en tisane ou en ingestion directe, mieux vaut ne pas prolonger pas votre cure au-delà de 6 semaines, car les baies de genévrier sont riches en terpinènes, qui ont une action diurétique, sollicitent les reins et pourraient les abîmer.

C’est d’ailleurs pourquoi on le déconseille aux personnes souffrant d’insuffisance rénale.

Purifiez votre foyer avec cet encens fait maison

Parlons maintenant de la fumigation, toujours grâce au genévrier !

Comme la sauge blanche ou le bois de santal, le genévrier est l’une des plantes les plus anciennement utilisées, des Amérindiens aux Sibériens en passant par les Tibétains, pour pratiquer des rituels de purification par la fumée.

Vous pouvez facilement faire votre propre encens.

L’encens de genévrier fait assez peu de fumée quand il brûle.

Et je trouve son odeur moins entêtante que celle des bâtons ou cônes d’encens que vous pouvez trouver dans le commerce.

•    Faites sécher les aiguilles que vous avez cueillies pendant une bonne semaine sur du papier essuie-tout ;

•    Ecrasez-les au mortier, en faisant de petits ronds, jusqu’à obtenir une poudre homogène. Ça vous prendra à peine quelques minutes ;

•    Versez un peu de cette poudre dans la coupelle d’un brûle-encens, puis mélangez-la avec une huile (l’huile d’olive fait très bien l’affaire). Attention, ne mélangez pas votre poudre avec de l’eau, qui va s’évaporer rapidement et laisser votre encens brûler à trop haute température.

•    Placez et allumez une bougie chauffe-plat dans la partie inférieure du brûle-encens, comme ici :

encens

Si vous n’avez pas de brûle-encens, vous pouvez tout simplement verser votre poudre de genévrier sur un disque de charbon, du type de ceux qu’on utilise pour le narguilé.

C’est une très bonne manière de désinfecter et purifier l’air de la maison. Et c’est même scientifiquement prouvé : une étude menée par des chercheurs indiens en 2007 [3] a constaté qu’une telle fumigation permettait « une réduction de plus de 94 % du nombre de bactéries en 60 minutes » dans une pièce fermée.

Faites votre gin infusé vous-même

Le gin est l’apéritif que je préfère. Je l’avoue, avec une petite tranche de concombre, je trouve ça délicieux.

Et c’est encore meilleur quand je le fais moi-même !

Qui dit gin dit genévrier. C’est la quantité de baies que vous y incorporerez qui va sculpter tout le caractère de votre gin.

Vous l’aurez remarqué, à la différence de celles que vous achetez dans le commerce, les baies de genévrier cueillies sont recouvertes d’une fine pellicule, cireuse et blanchâtre.

C’est la pruine, qui sert à la protéger contre les parasites et la chaleur.

Elle contient des levures qui permettent aux baies de fermenter. Ne manipulez donc pas trop les baies que vous allez utiliser pour faire du gin :  vous avez besoin de cette pruine car c’est elle qui contient les micro-organismes qui faciliteront la fermentation de votre mélange.

Voici une recette toute simple pour débuter :

Ingrédients (pour 10 personnes)

  • Une bouteille de vodka titrant 50%
  • 8 cuillères à soupe bombées de baies de genévrier fraîches
  • 1 petite poignée de coriandre fraîche
  • 6 gousses de cardamome écrasées
  • 1 pouce de gingembre (entaillé mais avec la peau)
  • 2 grandes feuilles de laurier
  • 1 zeste de citron (sans le blanc)
  • Des lamelles de concombre (coupez le concombre dans la longueur)

Préparation

1.    Faites macérer la coriandre fraîche 40 minutes dans la vodka, puis retirez-la.
2.    Écrasez légèrement vos baies de genévrier puis versez-les dans l’alcool.
Laissez reposer 24 heures.
3.    Ajoutez le laurier, la cardamome, le gingembre, le zeste de citron.
Brassez et laissez macérer 36 heures.
4.    Filtrez, et servez avec du tonic, des glaçons, un quartier de citron écrasé et une rondelle de concombre.

Voilà ce que ça donne 😃 :

gin maison genévrier

Moi, j’adore !

A très vite,

Mathilde Combes

Sources :

[1]  Le Conte du genévrier, Frères Grimm, 1812
[2] Joan Tocabens, Herbes magiques et petites formules : Sorcellerie en Roussillon et autres Pays Catalans, Perpignan, Ultima Necat, 2012
[3] Chandra Shekhar Nautiyal, Puneet Singh Chauhan, Yeshwant Laxman Nene, « Medicinal smoke reduces airborne bacteria », Journal of Ethnopharmacology, vol. 114, n° 3, 3 decembre 2007, p. 446-451.