Enfant, j’avais l’habitude de partir en vacances dans l’Ouest de la France et de me promener dans les forêts de Douglas.

Alors cet été, j’ai voulu retrouver les vieux chemins que j’empruntais.

Dès les premiers pas, je ne reconnais pas grand chose.

Les arbres sont étrangement alignés, le sol semble trop propre, pas de mauvaises herbes, pas de feuilles mortes, pas de champignons…

Crédit : Sciences et Avenir

Je me retrouve perdue, engloutie dans le silence. Je n’entends pas d’insectes et encore moins d’oiseaux, seulement le bruit de mes pas !
La forêt semble morte.

Et puis, j’ai cette sensation étrange qui me prend à la gorge. Une bouffée d’angoisse.

Où est passée la forêt de mon enfance ?

Crédit : Reporterre

Mon chemin s’arrête finalement sur un champ de ruine.

Je ris jaune. Je commence à comprendre que la jolie forêt de mes souvenirs a été décimée et recréée de toutes pièces par la main de l’homme…

Sur le chemin du retour, je croise un vieux monsieur et lui fais part de mon ressenti.

Il m’explique : “ça fait maintenant quelques années qu’un gros industriel détient le terrain pour en vendre le bois, il coupe chaque année les plus grands arbres et en plante de nouveaux… toujours les mêmes.”

Planter, couper et vendre toujours plus

Le douglas est devenu un incontournable de nos forêts :

  • Il est robuste, il s’acclimate facilement à notre territoire : sur tous types de sols et à tous les climats.
  • Il pousse vite, contrairement à d’autres arbres (en seulement 40 ans, ils atteignent leur âge adulte).
  • Sa structure est simple et facile à mécaniser au moment de l’abattage et du débardage (la coupe et l’acheminement en dehors de la forêt).

En plantant seulement cette essence, on obtient une forêt optimisée pour le profit et l’économie.

Cette industrialisation de la forêt est ce qu’on appelle « sylviculture ».

Tron de Douglas

Les industriels plantent des arbres bien alignés, comme des petits soldats, les coupent après quelques années et en replantent de nouveaux.

Voilà ce qui est arrivé à la forêt de mon enfance…

Elle qui regorgeait de plantes, d’animaux et de champignons,  a été remplacée par des plantations commerciales sans vie.

La fin de la biodiversité de nos forêts

On élimine les arbres un à un et on replante.

Le bilan écologique semble donc neutre et sans impact sur notre environnement…

Pourtant, la sylviculture et la monoculture sont un réel problème. Elles sont responsables :

  • de l’appauvrissement des sols à cause d’une trop forte concentration d’une seule espèce (mauvaises herbes, champignons, bactéries, la filtration de l’eau) ;
  • du développement de maladies et de parasites qui détruisent les cultures ;
  • de la disparition des insectes et des animaux.

Tout ce qui fait la vie d’une forêt !

Et ce n’est pas le seul problème.

Certaines marques prétendent être sensibles à cette problématique, et l’utilisent pour faire la promotion de leurs produits.En échange de notre fidélité, d’un achat ou d’une simple inscription à un événement, elles plantent des arbres pour nous récompenser et  nous donner bonne conscience.

Cet argument nous déculpabilise, moi la première, mais la réalité est toute autre…

Ces dotations n’ont pas qu’une finalité écologique mais bel et bien économique. C’est ce que l’État appelle les fameux “crédits carbones REDD” (réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts).

C’est très simple.

Un crédit carbone est une unité correspondant à l’émission d’une tonne de CO2. Chaque année, les entreprises se voient attribuer un certain nombre de crédits carbone qui correspondent à ce qu’elle peut émettre en termes de CO2.

Si l’entreprise réussit à réduire ses émissions de CO2, elle possède donc un excédent de crédits. Elle peut alors le mettre en vente sur le marché du carbone permettant donc à une autre entreprise qui  a déjà atteint son quota de CO2 à polluer d’avantage.

Reboiser nos forêts oui, mais pas n’importe comment

Il est devenu urgent de reboiser nos forêts, mais pas n’importe comment…

Nous devons implanter des espèces locales et variées, en laissant la place à la nature et à la vie qu’elle abrite (il faut laisser se développer les ronces, les mauvaises herbes, les feuilles mortes, les petits animaux, les insectes, etc).

Planter les mauvais arbres au mauvais endroit, fait plus de mal que de bien. S’il s’agit d’une plantation industrielle avec les mêmes arbres en rang, c’est une catastrophe pour la biodiversité parce que la faune et la flore ne vont pas s’y développer.

On aura ainsi créé une forêt vide.

Et on ouvre la voie à des catastrophes qui ne seraient jamais arrivées sans l’impact de l’homme.

Nuisibles, ravageurs… Ils sont de plus en plus nombreux à cause des modifications que nous apportons à la forêt. Et petit à petit, ils déciment les forêts. Voici quelques exemples :

  • Les monocultures de châtaigniers sont les victimes du chancre. Originaire d’Asie, ce champignon attaque l’écorce de l’arbre pour finalement le tuer.
  • Les pins sont les victimes des chenilles processionnaires qui les affaiblissent.
  • Les charançons s’attaquent aux plantations de palmiers et quand les premiers symptômes sont visibles il est déjà trop tard. Les palmiers perdent alors leurs palmes et meurent.

Alors avant de planter à l’aveugle, il faut apprendre et encourager les gens à recréer des forêts similaires aux forêts primaires.

Vous savez celles pleines de vie !

Celles dont le sol craque sous nos pieds qui écrasent les ronces, les feuilles, les champignons, les petits insectes indispensables à notre écosystème, celles qui semblent chanter avec les oiseaux !

Des projets ambitieux pour replanter les arbres

Plusieurs projets ambitieux de plantations d’arbres sont en cours dans le monde entier pour remplacer et même préserver les forêts qui disparaissent.

Au Sénégal, un homme a sauvé les mangroves.

Avec l’aide de la population locale, Haidar el Ali a dirigé un programme qui a planté 152 millions de bourgeons de mangrove dans le delta de la Casamance.

Le résultat est incroyable (photo avant/après) :

Source : BBC News Afrique

En France aussi, des initiatives citoyennes voient le jour :

  • En Savoie, l’association Forêt Vivante achète des parcelles pour lutter contre la déforestation et préserver la biodiversité.
  • La mise en place de la migration assistée des essences. Ce projet baptisé Giono existe depuis 10 ans maintenant. Des graines qui proviennent du monde entier sont sélectionnées et germent dans une pépinière en Loire-Atlantique, avant d’être finalement plantées en forêt de Verdun.

Ces prises de conscience me redonnent espoir et me prouvent encore une fois qu’à notre petite échelle il est possible de préserver nos forêts.

Car il ne faut pas oublier que les arbres sont nos meilleurs alliés pour lutter contre le réchauffement climatique !

À très vite,

Mathilde Combes.