distanciation arbres

Regardez la cime des arbres sur la photo ci-dessus (il s’agit de la couronne de timidité des arbres sur la place San Martín à Buenos Aires.)

Leurs feuilles ne se touchent pas.

Elles suivent tranquillement les contours des arbres d’à côté.

Comme si elles évitaient de toucher leur voisin !

Le phénomène a intrigué des générations de botanistes.

Une centaine d’espèces préfèrent ainsi éviter les contacts étroits entre voisins :

–    Les chênes verts du midi
–    Les magnifiques pins parasol du cap d’Antibes
–    Certaines forêts de fagacées (hêtres, chênes, châtaigniers…)

On a appelé ça : « la timidité des cimes » (crown shyness, en anglais). [1]

J’adore cette expression.

Les chercheurs, par contre, ont eu un mal fou à l’expliquer…

–    Ils ont d’abord cru que ce fin espace entre leurs feuillages était un résultat de la proximité des arbres. Avec le vent, les branches et les feuilles trop proches se casseraient et tomberaient en laissant un « trou » ! [2] On pourrait qualifier cette interprétation de « mécaniste » ;

–    Puis on a dit que c’était le besoin de lumière des branches inférieures qui créait ces espaces vides. Comme si l’intelligence des grands arbres les conduisait à répartir, au profit des plus petits, l’action de photosynthèse du soleil ; [3]

–    Puis un chercheur américain a émis une hypothèse sanitaire : éloigner les feuillages entre eux serait le meilleur moyen, pour les arbres, de ne pas « répandre » un parasite ou une bactérie entre eux. [4]

De la « timidité »… ou de la solidarité ?

Je trouve cette dernière hypothèse très belle.

Elle permet de renommer la « timidité » des cimes en « solidarité » des cimes.

Je sais, c’est probablement une façon de plaquer une émotion très humaine sur le monde végétal.

S’éloigner un peu, comme le meilleur moyen de pouvoir rester en bonne santé tous ensemble.

Mais je me dis que ça fait sens, dans le contexte que nous vivons.

A très vite,

Mathilde Combes

 

Crédits photo de mise en avant : Dag Peak – Creative Commons

Sources

[1] James W. Goudie, Kenneth R. Polsson, Peter K. Ott (2008). « An empirical model of crown shyness for lodgepole pine (Pinus contorta var. latifolia [Engl.] Critch.) in British Columbia« . Forest Ecology and Management. 257 (1): 321–331. doi:10.1016/j.foreco.2008.09.005. ISBN 9781437926163.

[2] Maxwell Ralph Jacobs (1955). Growth Habits of the Eucalypts. Forestry and Timber Bureau.

[3] Alan J Rebertus (1988). « Crown shyness in a tropical cloud forest » (PDF). Biotropica. 20 (4): 338–339. doi:10.2307/2388326. ISSN 0006-3606. JSTOR 2388326.[permanent dead link] [4] Mechanical Abrasion and Intercrown Spacing
Francis E. Putz, Geoffrey G. Parker and Ruth M. Archibald
The American Midland Naturalist
Vol. 112, No. 1 (Jul., 1984), pp. 24-28 (5 pages)
Published By: The University of Notre Dame