glands doigts

Il ne m’était jamais venu à l’idée de manger… un gland

C’est dans un roman que j’ai découvert qu’on pouvait manger des glands.

Deux sœurs sont coincées dans leur maison en forêt, pour une période indéterminée.

La panique s’installe en ville à cause d’une pandémie et d’une crise économique.

Alors elles décident de tout débrancher : téléphone, télévision, ordinateur. Et de vivre en autonomie avec quelques arbres, des oiseaux, des plantes, « faisant avec » ce qu’elles trouvent pour manger.

Cette histoire, c’est une fiction. Un roman publié en 2017… que j’ai lu bien avant l’arrivée du Covid : Dans la forêt [1] .

Même si ce n’est qu’un livre, je ne peux m’empêcher de penser que notre monde actuel ressemble à celui de ces deux sœurs.

D’un côté la peur, la maladie, l’incertitude, la fatigue des villes.

De l’autre, un espoir un peu fou : celui de revivre avec et par la nature.

J’habite moi aussi près d’une forêt. Entourée d’arbres, je retrouve souvent des feuilles mortes juste devant ma porte.

En lisant ce livre, je me suis rendu compte que je ne regardais même plus les arbres autour de moi.

Je m’étais creusé mon tunnel de stress et d’habitude, la tête dans mon travail, je passais devant cette nature en levant à peine l’œil.  C’est cette phrase qui m’a mis la puce à l’oreille :

« Pendant des mois, nous avons bu de l’eau alors que nous aurions pu boire des tisanes de menthe sauvage, d’églantier, de mûres, d’aiguilles de pin (…) Et il y a les glands. J’ai vécu dans une forêt de chênes toute ma vie, et il ne m’est jamais venu à l’idée que je pouvais manger un seul gland. »

Ça ne m’était jamais venu à l’idée de me baisser et de cueillir des glands, comme ces deux sœurs.

Alors qu’ils sont juste là, devant nous.

Je marchais dessus, sans même les regarder

glands

Les glands traînent autant que les feuilles à l’automne. Le vent les emporte bien au-delà de la forêt, jusque sur les trottoirs. Ils glissent sous les pieds, se faufilent sous les voitures, tapissent les sous-bois.Personne ne songerait à les ramener à la maison. A en faire des réserves. On marche dessus, et c’est tout.

Mais selon les deux sœurs, ça se mange. Et elles arrivent à passer l’hiver grâce à eux !

Cela m’a tellement intriguée que j’ai décidé d’essayer.

De manger des glands.

Et c’est bon ?

Eh bien c’est très bon.  Les glands ont un goût de terre et de noisette, comme des petites châtaignes, un peu plus brutes.

Cru, ce n’est pas mangeable : « Un gland frais a un goût de cérumen. Il fait se froncer la langue, dessèche la bouche et laisse une amertume qui demeure longtemps après qu’on l’a recraché. » [2]

glands main

 

Par contre, c’est facile de les préparer.

  • La première fois, faites-les bouillir 15 minutes entiers dans de l’eau. L’eau devient brunâtre, c’est bon signe : les tanins s’en vont.
  • Avant la deuxième cuisson, décortiquez-les (enlevez d’abord l’enveloppe extérieure, puis la petite peau plus fine qui se trouve juste en dessous). Ce n’est pas long, vous verrez.
  • Faites une deuxième, éventuellement une troisième cuisson, jusqu’à ce que l’eau soit claire.

Là, vous avez l’embarras du choix.

  • Vous pouvez transformer directement ces glands bouillis en purée, et l’assaisonner avec un peu de beurre, d’oignons et de sel. C’est un délice.
  • Vous pouvez les faire sécher avant d’en faire de la farine, plus facile à stocker.
  • Certaines personnes les font griller au four, 45 minutes à 150 degrés, jusqu’à ce qu’ils deviennent dorés. Réduisez-les en poudre avec un moulin à café, et utilisez la poudre comme substitut de café.

C’est tellement meilleur que tous les féculents qui remplissent les étagères de nos supermarchés.

De plus en plus de chercheurs et de nutritionnistes appellent à leur réintroduction dans nos assiettes parce que [3]:

  • Leur Indice glycémique est très bas
  • Ils sont sans gluten
  • Ils sont hyper rassasiants
  • Ce sont des concentrés de phosphore (314 mg/ 100g) et de potassium (712 mg/100g)

Plutôt que des pâtes, faites vos réserves de glands

Mais voilà : les glands des chênes ont complètement disparu de nos régimes.

Alors que des générations entières de nos ancêtres ont survécu grâce à eux.

C’est de cela que je veux vous parler, en fait.

De cette nature qui pousse en abondance un peu partout, complètement gratuite ET hyper nutritive.

Délicieuse au goût quand on sait s’y prendre.

Mes nouvelles récoltes de glands trônent sur mon étagère et je ne peux pas m’empêcher de sourire en les voyant :

« Posséder ne serait-ce qu’un baril de glands, c’est posséder une richesse inestimable. Lorsque nous avons vidé le dernier sac dans le cinquième baril, je me suis penchée par-dessus. J’ai plongé les mains entre les fruits lisses et frais puis les bras jusqu’aux coudes, et j’ai posé ma joue contre les glands dans une sorte d’étreinte. J’ai humé leur légère odeur de poussière, songé à la pluie et à l’obscurité et à la faim contre lesquelles ils nous prémuniraient et je me suis sentie profondément fière » [4]

Je me sens fière.

Plus besoin de caddie, ni de sachets plastiques, j’ai mon panier de cueillette et mon « prêt-à-manger » chez moi.

Je vais faire en sorte que vous accédiez à ce savoir vous aussi, en me lisant.

A très vite,

Mathilde Combes

Sources

[1] Dans la forêt, Jean Hegland, Gallmeister, 2017
[2] Dans la forêt, op. cit. p 239
[3] STARIN DAWN, «  Is reintroducing Acorns into the Human Diet a Nutty idea ?” The Sicences https://www.scientificamerican.com/article/is-reintroducing-acorns-into-the-human-diet-a-nutty-idea/
[4] Dans la forêt, op. cit.  p 244