J’ai passé 4 jours dans un hameau de montagne, niché dans les replis d’une immense falaise de granit.

Voilà l’eau qu’on y boit :

L’eau de la fontaine, qui coule jour et nuit avec le même bruit depuis 150 ans.

Elle vient d’une source souterraine, qui traverse le massif sur des kilomètres, et ressurgit des falaises, dans un petit repli de la roche en haut du village.

Les locaux y remplissent leurs gourdes, leurs casseroles et leurs arrosoirs, et c’est vrai qu’elle est particulièrement bonne.

Douce, et toujours fraîche. Elle a un goût clair, et pur.

Tous les jours, je voyais défiler les familles à la fontaine, et tous les jours, chacun y allait de son petit commentaire :

« Ah ben ça, t’auras du mal à en trouver une plus fraîche ailleurs »

« Elle est bonne hein ? C’est les montagnes ça »

J’ai réalisé que ça faisait probablement 20 ans que je buvais une eau très moyenne, du robinet, et que je ne m’en rendais même pas compte !

Pour moi, c’était ça, l’eau.

On boit 10 fois par jour, et on ne sait même pas ce qui sort de notre robinet

J’ai toujours bu l’eau qui sortait de mon robinet.

Sans me poser la moindre question 🙂

Chez moi, on n’est pas très « bouteille ». Et puis c’est quand même pratique…

Parfois elle a une petite odeur de piscine, c’est vrai, mais ça reste rare et il suffit de la laisser s’aérer 20 minutes dans le pichet pour qu’elle retrouve un goût à peu près normal.

Je m’imaginais naïvement qu’on captait cette eau dans une source, et que le robinet se contentait de l’amener jusqu’à nous.

Mais pas du tout !!

C’est un processus compliqué et long, qui emprunte des kilomètres de tuyaux, et tout un tas de produits de filtrage…

Quand je vois le nombre de verres qu’on avale dans notre vie, je me dis que c’est important de savoir ce qu’il y a dedans.

« Elle est tellement traitée qu’il n’y a pas de danger »

Ce qui est sûr, c’est qu’on a peu de chances de vous intoxiquer avec de l’eau qui sort du robinet. Les autorités en sont d’ailleurs très fières : sur le plan bactériologique, leur eau est impeccable.

Et c’est clair que tous les pays du monde ne peuvent pas dire ça 🙂

Du chlore pour les pathogènes, les champignons et les algues, des filtres et de l’aluminium pour les impuretés…pas étonnant qu’il n’y ait plus rien dedans à l’arrivée !

D’abord on la pompe. Dans un lac, une rivière, une source, une nappe…
Puis on la laisse décanter dans de grands réservoirs pour que le gros des cailloux se sépare de l’eau.
On ajoute un peu d’aluminium pour entraîner les impuretés les plus fines vers le fond de la cuve.
Ensuite, on la filtre un peu plus finement grâce à un tamis de sable.
Puis on la désinfecte, au chlore ou à l’ozone, pour se débarrasser des algues et des champignons.
On couronne le tout par un dernier filtre au charbon actif.
On remet une petite dose de chlore et hop, on la stocke dans les châteaux d’eau qui sont directement reliés à nos robinets.

Ce qu’on arrive à filtrer, et ce qu’on ne filtre pas

Pour ce qui est des bactéries immédiatement dangereuses, vous avez compris : on n’en a plus dans nos robinets.

Mais… il y a tout un tas d’autres petits résidus qui passent sous les radars et dont la quantité augmente gentiment depuis 30 ans1.

  • Les nitrates
  • Les microplastiques
  • Les résidus de médicaments
  • Les résidus d’herbicides, d’insecticides, de fongicides…
  • Le plomb (à cause des tuyauteries anciennes)

Tout ce que l’on épand sur la terre, qu’on étale sur nos corps et qu’on jette, et qui finit par s’infiltrer un peu partout dans nos cours d’eau.

Il n’y a pas de magie 🙂 C’est comme un boomerang : tout ce que les hommes ont inventé pour « doper » la terre et ses productions finit par leur revenir sur le bout du nez à la fin du cycle des eaux :

  • Les nitrates des champs dans les sources souterraines ;
  • Les hormones de synthèse dans les fleuves ;
  • Les déchets nucléaires dans les gouttes de pluie ;
  • Les composés perfulorés de nos emballages dans les nappes…

C’est un peu de tout ça qu’il y a dans nos robinets. Et que les autorités prennent moins de soin à contrôler. On les comprend ! C’est cher, c’est délicat, c’est difficile à quantifier.

Et s’ils ont des effets sur nos corps, c’est seulement sur le long terme… Alors c’est facile de les cacher sous le tapis.

Cette soupe de substances chimiques où nous baignons

Le problème, c’est que ces substances sont partout.

Même dans les lacs, dans les sources et les rivières de montagne. Comme ce petit lac des Pyrénées, étudiés par des jeunes chercheurs, où on a retrouvé des quantités astronomiques de perméthrine et de diazinon, utilisés pour l’élevage des bœufs2. Ce sont les pluies qui auraient transporté ces produits depuis la vallée jusque dans ce lac perdu…

De l’eau « pure » aujourd’hui, en France, en Belgique ou en Suisse, ça existe de moins en moins.

Ça ne sert à rien de chercher l’eau idéale et saine de toute contamination dans ce monde-là : elle n’existe plus.

Par contre, ce qu’on peut faire, c’est rendre l’eau qu’on a plus pure.

Je ne vous dis pas de déménager près d’une source

Bon, bien sûr, le mieux reste l’eau de la source, bien en hauteur, sans champ à côté.

C’est l’idéal, mais je n’ai pas le luxe de vivre à cet endroit.

On s’épargne le traitement au chlore : l’eau ne stagne pas dans les canalisations, sort directement de la montagne et reste très très froide, ça limite les bactéries.

On s’épargne le filtrage et la décantation : ce sont les couches granitiques, les plantes et les micro bactéries du sol, ainsi que les années passées dans la roche de la montagne qui s’en chargent pour nous 🙂

On s’épargne le stockage : elle coule en continu, et continue sa course si personne ne s’en sert.

Mais je ne vais quand même pas vous conseiller de déménager pour trouver de la bonne eau !

Ce que vous pouvez faire, chez vous, où que vous soyez, c’est essayer d’imiter le fonctionnement du « filtrage de la montagne » :

Imitez la source, où que vous soyez

Pour « purifier » votre eau, il suffit de suivre le modèle que la nature nous a montré, et qu’on a un peu arrêté de suivre.

1.    Laissez le temps au temps

Avant d’arriver à la surface de la terre, l’eau passe des heures, voire des mois ou des milliers d’années à transiter, lentement, dans toutes les couches géologiques.
Concrètement, c’est au fur et à mesure de ce long processus qu’elle se charge de minéraux, de goût et se purifie.

Chez vous, la première chose à faire avec votre eau du robinet, c’est de la laisser s’aérer avant de la boire. Le chlore s’évapore assez vite, et une fois échappé de votre verre d’eau, elle aura un goût bien plus agréable.

2.    Fabriquez vos « filtres » géologiques à vous

Puisqu’on n’a pas des milliers d’années, ni de dizaines de couches de sable, de grès, de granit et d’humus à disposition, il faut bien qu’on trouve des substituts.
Voilà ceux que je connais…
Vous avez le choix du matériel, du moins cher, au plus perfectionné :

  • Du charbon actif (binchotan japonais), petit bout de bois calciné qui absorbe les mauvais composés de votre eau quand vous la laissez suffisamment longtemps à son contact
  • Une petite cuillère à café d’argile, de temps en temps. Alors ça, ce n’est pas quelque chose que vous pouvez mettre tous les jours dans votre verre, mais si pour une raison x ou y, l’eau de votre robinet est particulièrement trouble un jour, déposez-y une cuillère d’argile et laissez-la poser au moins 3 heures. L’argile va se déposer au fond de la carafe, et retenir tous les composés nocifs. Buvez seulement l’eau sans remuer l’argile, elle aura aussi une fonction reminéralisante (attention, si vous en buvez trop, elle pourrait avec des effets plutôt désagréables sur votre transit : à garder pour les exceptions 🙂).
  • Des filtres jetables (type Brita, à mettre directement dans votre carafe pour la débarrasser de son chlore, de ses produits phytosanitaires…) Le problème, c’est qu’il faut les changer très souvent.
  • Des filtres de plus grande ampleur, réutilisables, comme les Berkey, qui marchent aussi avec une couche très sophistiquée de charbon actif, mais coûtent particulièrement cher.

3.    Suivez le fil de l’eau, laissez-la couler

Je vous ai dit de laisser un peu reposer votre eau avant de la boire : ne la laissez pas croupir non plus !! 🙂

Ce qui fait que la source est toujours fraîche, c’est que l’eau s’écoule en permanence. Alors ne laissez pas traîner des jours de l’eau dans une carafe, dans un verre ou dans une bouteille au frigo : ce n’est jamais bon.

Pareil, quand vous rentrez de vacances : laissez d’abord couler quelques minutes l’eau qui a stagné dans votre tuyauterie, et qui s’est chargée d’un tas de composés pas top, à force de stagner. D’ailleurs, elle est souvent plus trouble, avec un goût plus désagréable.
Réutilisez-la pour vos plantes ou pour faire le ménage, ça ira très bien.

Juste une petite goutte d’eau

Je sais que ces conseils peuvent sembler « trop » simples.

Mais c’est précisément dans cette simplicité, je crois, que se trouve la réponse.

On s’est trop éloigné des évidences premières de la nature. Et ça ne nous ferait pas de mal, de temps en temps, de se replonger dans le cours simple d’un ruisseau, dans la structure parfaite d’une feuille, dans la vie banale d’une petite goutte d’eau.

Ils ont plus de choses à nous apprendre que ce qu’on croit 🙂

Belle journée à vous,

À très vite,

Mathilde Combes

Sources :

1) https://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/eaux/eau

2) https://www.ladepeche.fr/2022/04/11/pollution-un-cocktail-chimique-dans-les-lacs-de-montagne-10229202.php